C'était un été à la ferme, je devais avoir sept ans à l'époque, huit tout au plus. Maman s'était absentée une semaine et m'avait donnée pour mission de m'occuper d'un tout jeune plan de tomates : qu'on appela affectueusement Bertha. En plein désert, et sous un soleil de plomb, un arrosage régulier était primordial. Seulement, j'avais un peu négligé la chose, trop occupée à vagabonder dans les champs et jouer avec les bêtes. Le sixième jour, papa me rappela que maman rentrait le lendemain et là, illumination : le souvenir d'une promesse non tenue. J'accourue voire Bertha mais comme il fallait s'en douter, la plante était cramée, j'étais désemparée ! Maman, me gronderait c'est sûre! Je déversais le contenue de trois arrosoires sur ses petites feuilles, espérant qu'au soleil levé, elle aurait reconquit sa verdure. Rien n'y fit ! Le septième jour, la plante était allongée sur le sol, noire... Aïe, maman rentrait d'une minute à l'autre, je craignais les représailles ! Je pleurais comme une dingue, j'avais si peur de la décevoir, d'avoir mal fait, d'avoir empiré les choses. Finalement, je m'assoupie dans les hautes herbes et c'est ma mère elle-même qui me retrouva-là à son retour, et me réveilla. Je la serrais dans mes bras et en laissant tomber ma tête le long d'une de ses épaules, constatais surprise que Bertha portait une fleur.

C'était un hiver à la ferme, et alors que le sol était recouvert de givre, que les plantations hibernaient ou crevaient, Bertha continuait de donner des tomates.

*Fin du Flash Back*

Les années passèrent et je m'aperçus d'un certain don pour les cultures agricoles, au plus grand plaisir de mes parents qui me tarissaient d'éloges sans cesse. Les tomates n'avaient pas la même couleur lorsqu'elles passaient entre mes mains, elles devenaient immédiatement plus rouges et pulpeuses. Les affaires allaient bon train, mais mes parents ne me tuaient pas à la tâche, on se contentait de ce qu'il nous fallait pour vivre et rien de plus. Ils avaient l'un comme l'autre conscience d'être tombé sur une poule aux oeufs d'or, mais n'en parlaient jamais. Ils avaient peur de me faire fuir, ou d'éloigner la chance avec des superstitions qui sait? A priori, rien n'expliquait ces récoltes abondantes : ni le climat, ni les sols, ni l'aridité. Les autres fermiers enrageaient ! Y avait-il un puits sous la maison? Impossible... Les choses avaient changées subitement et c'était inexplicable. Il n'était plus seulement question d'avoir la main verte ! J'étais un cadeau des dieux, une bénédiction ! Et je me sentais un peu écrasée par ce statut. Je m'absentais deux jours et rien n'allait plus à la ferme, je retrouvais chaque fois mes parents paniqués. Le stress nous rongeait. Le sort dépendait de moi. Je laissais croire qu'un poids planait sur mes frêles épaules, parce que je voulais qu'on me foute la paix ! Un jour je me barrerai, je laisserai tout en plan. Et ils n'auront plus le choix de se débrouiller seuls. Je me refusais à l'idée que la culpabilité me tombe dessus, j'avais le droit de faire mes choix ! Ils étaient en tort, pas moi. Je n'avais pas le devoir de passer ma vie à m'occuper des corvées, j'avais plus d'ambition ! Je voulais donner plus de valeur à mon don : je m'entendais avec la nature, je le savais. Je l'avais jusqu'alors caché à tout le monde, mais j'étais capable de faire pousser un arbre en quelques secondes à peine ! C'était incroyable ! Dès lors, je nourrissais un nouveau rêve : transformer ce désert terne en une gigantesque plaine aux herbes verdoyantes. Je voulais redonner espoir à tout ces hommes tristes... Mais la route était encore longue, mon pouvoir devait se développer davantage pour espérer un jour, avoir suffisamment d'ampleur.