Le vent était fort, la pluie battante et les arbres semblaient ployer à mesure que la tempête s'abattait sur le versant de montagne que gravissaient Umy, Komo et leur Senseï. C'était l'une des épreuves que les deux jeunes garçons préparaient depuis maintenant plusieurs mois et ils se rendaient maintenant compte de la raison de la rigueur qu'ils avaient vécu. La moindre erreur pouvait devenir fatale à une telle hauteur et il n'y avait que peu de chance qu'ils puissent se retenir à la paroi en cas de chute. Heureusement pour eux, il ne neigeait pas, pas encore tout du moins.

- Maître ! Maître ?! Par pitié, quand pourrons nous faire une pause ? Je ne sens plus mes bras !


- Komo ! Je t'ai déjà dit plusieurs fois de te taire. Tu savais ce qui t'attendais, non ? Alors ne déshonore pas ceux qui attendent tant de toi et cesse de pleurer sur ton sort.

Encore une fois Komo s'était plaint, encore une fois le maître l'avait fait taire, encore une fois Umy n'avait rien dit. Il endurait l'épreuve sans un mot, mais pas sans souffrir. Malgré l'épaisseur de leurs vêtements, ils n'étaient pas assez isolants et épais, pour ne pas gêner l'escalade et le jeune garçon grelottait de froid. De plus, cela faisait maintenant deux heures qu'ils grimpaient sans s'arrêter et cela commençait à se faire sérieusement sentir dans tout le corps des apprentis ninjas. S'ajoutait à cela un autre stresse.

- Maître, pourquoi est-ce qu'on monte là-haut s'il vous plaît ?


- Si tu me le re demande une nouvelle fois, je te le jure : je te fais tomber moi-même, C'EST COMPRIS ?

Et oui, ils ne savaient pas non plus pourquoi ils allaient en haut de cette montagne. Elle n'avait pas de signification particulière et pourtant l'épreuve en elle-même paraissait susciter une incroyable attention de la part des professeurs des apprentis ninjas. La consigne était simple : pas un mot, pas un cris, seulement la rage d'arriver au bout.

- J'ai une surprise pour vous les garçons : vous êtes arrivés à la moitié de votre parcours. Approchez, j'ai à vous apprendre sur votre présence en ces lieux.

Les trois ninjas se rassemblèrent dans une cavité de la paroi, suffisamment spacieuse pour leur permettre à tous de s'asseoir sans se gêner et sans risquer de faire une chute de quelques centaines de mètres de haut. L'endroit était également suffisamment abrité pour avoir un sol plutôt sec, qui permit à leur Senseï d'allumer un petit feu à l'aide d'une technique Katon, ce qui fut plus qu'apprécié par les jeunes garçons. Malgré tout, Umy restait silencieux, il savait que s'ils étaient aussi cajolés actuellement, c'était pour subir une épreuve bien pire que ce qu'il venait d'accomplir.

- Avez vous appris quelque chose après cette montée, jeunes gens ?

Pour Umy, la réponse paraissait évidente : il ne fallait jamais sous-estimer une épreuve et surtout pas sa préparation. Komo n'avait pas fourni les efforts nécessaires à la réussite complète de la journée qui s'annonçait et il se pouvait qu'il en paye le prix fort. Pour sa part, Umy se sentait encore d'attaque, mais profitait tout de même au mieux de ce moment de repos.

- Qu'il vaut mieux contourner l'obstacle plutôt que tenter de le franchir par une ligne droite ?

- Ferme la Komo. Tu sais très bien de quoi le maître parle. Il nous avait prévenu sur la rigueur de cette épreuve et malgré cela tu as continué de ne rien faire à l'entraînement, si tu continues comme ça, tu finiras par tomber tout seul de cette falaise.

Les deux garçons ne se détestaient pas, mais Umy ne pouvait s'empêcher de déconsidérer le jeune Komo. Celui-ci était le fils d'un notable du pays, mais il passait le temps à faire le beau et le pitre au détriment de son travail, ce qui agaçait Umy. De plus, sans trop savoir pourquoi, ils se retrouvaient toujours ensemble lorsqu'un groupe devait être constitué, continuant de toujours plus exaspérer le jeune garçon. Et il savait que son maître l'approuvait. Le regard de leur Senseï était noir de colère et fixait Komo qui n'osait le regarder dans les yeux. Mais Umy n'avait que très rarement ressentit une telle colère de la part de leurs enseignants et cela le perturba.

- Maître, et la suite de cette mission ?

- Merci de revenir à l'essentiel Umy.. La suite : vous allez monter toujours plus haut. Mais cette fois-ci : ce sera seul. Sans moi et sans l'autre, Umy tu partiras à droite et Komo, à gauche. On se retrouve tous au sommet de cette montagne.

Puis, dans un nuage de poussière, il disparu, laissant les deux jeunes garçons face à face.

- L'heure de vérité Komo, tâche de ne pas me décevoir, montre moi que je t'ai appris quelque chose !

Sans se retourner, Umy s'élança dans la neige qui lui faisait face. La première partie de cette falaise ne pouvait se faire qu'avec du matériel d'escalade tandis que la suivante était moins risquée du fait que la pente était moins raide et que l'on pouvait faire une pause, mais la neige rendait l'avancée plus lente et difficile. De plus, l'humidité commençait à s'infiltrer partout dans ses vêtements et ses chaussures et il sentait la température de son corps diminuer. Parfois, il trébuchait et se retrouvait la tête dans une épaisse couche de neige, ou encore il ne devinait pas un rocher et s'écorchait les mains en tâtonnant les alentours. L'ascension était longue et le brouillard se levait alors qu'il estimait avoir accomplit environ un tiers du parcours.

- Chier.. Déjà que le crépuscule pointait, v'là que le brouillard s'en mêle.

En effet, le jour prenait fin et malgré l'épais linceul de fumée qui l'entourait, il distinguait encore les lueurs des habitations au loin. Sans se soucier de sa condition, il continua d'escalader la montagne. Il se demandait si le fait d'arriver avant son camarade Komo pouvait influer sur la réussite de leur épreuve et malgré tout ce qu'il pouvait du jeune garçon, il répugnait à être mis en compétition avec lui. D'ailleurs, Umy n'était pas du genre à aimer la compétition, il savait se motiver seul et n'avait pas besoin d'être stimulé. Au contraire, cela le poussait généralement à la fainéantise et au mauvais esprit. Il prit alors la décision de s'arrêter près d'une nouvelle cavité du mont. Le Senseï avait sûrement prévu que la nuit tombait et avait dépêché un clone avec eux. Il leur fallait passer une nuit loin de tout et seul avant de pouvoir espérer arriver au sommet de la montagne. Même s'il espérait avoir une avance sur son compagnon, il ne cessait de penser à lui et priait le ciel qu'il ne lui arrive rien de néfaste. S'allongeant sur le sol rocailleux, la tête sur son sac, il s'endormait :

- Putain d'épreuve..

Le sommeil le gagnait, mais le libéra très tôt, le froid le faisant sortir de son profond sommeil. Malgré l'état de fatigue avancé, sa pause avait été bénéfique et c'est avec des forces nouvelles qu'il s'attaquait à la dernière partie de l'escalade. Celle-ci alternait entre des marches interminables dans des couches de neiges épaisses et de l'escalade sur des versant dangereux de la montagne. Finalement et après plusieurs heures de souffrances, Umy parvint à atteindre son objectif : le sommet. Il découvrit une surface à peu près plate et s'y assit, se construisant un abri de fortune en attendant son camarade ou leur maître. Ce fut plusieurs heures d'une longue attente où Umy consomma ce qui lui restait de provision.

La faim gagnait une nouvelle fois Umy quand un bruit lointain lui parvint. C'était un râlement sourd qui se rapprochait lamentablement du sommet de la montagne. Sans bouger, le jeune garçon attendit que la personne se découvre, sans douter une seule fois de l'identité de cette dernière. C'était en effet Komo, son compagnon, qui arrivait après de nombreuses peines à son objectif. Ses vêtements semblaient avoir souffert des roches aiguisés de la zone, il avait perdu son équipement dans l'ascension et c'est transit de froid qu'il s'approcha d'Umy. L'apprenti ninja eut du mal à le reconnaitre et fut presque effrayé devant le zombie qui se présentait devant lui. Il n'arrivait pratiquement plus à exprimer, mais tenta de communiquer avec Umy :

- U... Y.. Je boi.. Boi.. BOIR.. re...

Umy s'empressa de sortir sa gourde, il lui ne lui restait qu'une gorgée ou deux, mais cela suffirait amplement au malheureux. Avant qu'il ne puisse tendre la gourde à son compagnon, une explosion survenu à leurs côtés, dégageant un nuage de poussière familier. Apparut alors leur Senseï, en tenue de cérémonie, le visage baissé d'un air grave? Il leva alors ses mains vers les deux garçons, les pointant d'un doigt accusateur :

- Que le choix soit fait !

Alors, un trait rouge s'échappa de sa main droite, en direction de Komo, le frappant à la poitrine. Le jeune garçon fut propulsé quelques mètres plus loin et retomba donc lourdement en contrebas de la montagne, son corps s'échouant sur les rochers acérés. Rien ne se passe du côté gauche, Umy était sauf. Le jeune garçon était cramponné au rocher sur lequel il s'était assis plusieurs heures auparavant, trempé de sueur. Il n'y avait aucun doute : son maître avait délibérément éliminé Komo. Après tout, cette épreuve n'était donc qu'un test destiné à élire le meilleur d'entre eux et à supprimer l'autre. Umy était sans conteste le vainqueur de la mission et son compagnon avait payé le prix de sa défaite.

- Pourquoi ? Pourquoi ?! Etait-ce nécessaire ?! Il était médiocre, certes, mais de là à... Enfin, non !

Son maître le jaugea du regard, impassible. Umy n'était pas démonté par la mort de Komo, il avait connu bien pire et le jeune garçon n'était ni un ami proche, ni un élément brillant de son entourage, aussi il n'avait que peu de peine de le voir périr. Pourtant, il se demandait pourquoi même dans les milieux élevés la société, on utilisait la barbarie pour déterminer le vainqueur. Son Senseï ne lui répondit rien et Umy accepta les choses telles qu'elles étaient, il n'avait pas à discuter et aucun intérêt à le faire. De toute manière, il arrivait au bout de ses forces et s’évanouit dans la neige, après quoi son maître le raccompagna. Il ne se réveilla que deux jours plus tard dans un lit d'hôpital, où il apprit que son enseignement ninja passait au niveau supérieur. Il avait fallu un mort pour cela.