Lentement, le soleil rouge terminait sa course dans le ciel. De ses derniers rayons d'écarlate, il embrasait le monde et lui donnait une teinte orangâtre. Le sable était rouge. Les maisons étaient rouges. Un ninja travelo à long cheveux aurait sûrement dit: "du sang a coulé, ce soir". Un philosophe détraqué aurait réfléchi sur l'action du soleil sur les pulsion meurtrières des ninjas du sable. Un théologien dingue aurait imaginé que le soleil, arrivé au trois quart de sa course, se transformait d'un oeuf sur le plat en une orange rouge. Reste à savoir ce que faisait une orange rouge dans le ciel.

Une grille grinça, des portes claquèrent, des pas se précipitèrent.
"Dépêchez-vous !" hurla t-on.

Kise Kekoku, le médecin de l'unité spéciale, se retourna, l'air ennuyé.
"Encore ?" fit-il. "Mais ça fait le cinquième !"
Kise Kekoku était l'un des meilleurs médecins du village, et un combattant hors-pair. Pour cela, il avait été nommé à la tête de l'unité médicale de l'unité d'élite, chargée d'appuyer cette dernière dans ses missions les plus dangereuse. Il était capable d'opérer un ninja sur une falaise en éboulement. Ou sur un champ de bataille. Une fois, il avait même effectué une greffe du poumon au beau milieu d'une crue provoquée par une technique suiton. Oui, il était balaise.

Le problème, c'est que depuis quelques temps, l'unité d'élite n'était plus chargée que de faire régner la terreur dans le village. Et Kise Kekoku ne servait plus à rien d'autre que de soigner les malheureux qui se faisaient dézinguer par le Kazekage et qui étaient envoyés en prison sans passer par l'hôpital. Il n'était pas sûr d'avoir le droit. Mais pour que quelqu'un passe sa vie en prison, il faut d'abord qu'il soit vivant. Sinon, c'est pas du jeu.

Kise Kekoku se pencha sur le corps du jeune homme apporté par Ours Brun et Canari. Bon, classique. Une hallebarde de sable. Sauf que une hallebarde dans un corps aussi jeune...
Composant quelque mudras, il entreprit de tirer la hallebarde tout en refermant la blessure.
Sans y penser, il interrogea Ours Brun:
" Bon, et il a fait quoi, celui-là ? Il a trouvé que le cigare du Kazekage puait ?"

Ours Brun hésita. Il était toujours gêné de la façon dont le médecin parlait du nouveau chef du village. Ce n'est pas qu'il l'appréciait, loin de là, mais bon, quand même, c'était le chef, quoi ... Il répondit:
" Je ne suis pas sûr. Je crois qu'il a cambriolé un magasin. Mais il ne doit pas y avoir que ça. Je ne sais pas. Il a dû au moins tenter d'assassiner le Kazekage, car je dois le descendre au niveau E."

Le niveau E. Le dernier, celui le plus profond. Celui où les murs kinton du Shodai résistaient avec peine à la pression du sable. Contrairement au reste de la prison, il ne faisait pas 50°C, dans le fond. Aux alentours de O°C, et encore. Le Shodai avait créé les niveau A, B et C et D pour enfermer les voleurs (A), les criminels (B) et enfin les ninjas ennemis (C)et déserteurs (D). Puis, il avait créé le dernier niveau pour garder les ninjas qui représentaient un danger capital pour le village. C'était un niveau secret, le seul où personne ne pouvait accéder sans autorisation du Kazekage. Le seul où les prisonniers ne sortaient pas de leur cellule, car il étaient trop dangereux. On préférait leur apporter directement leur nourriture.
Dans le niveau E, la pression du sable, des murs et du silence était telle que même les gardiens l'évitaient autant que possible. Et c'était la seule partie de la prison où les prisonniers étaient polis avec les gardiens. Quand on lutte toute la journée contre son environnement, on ne s'amuse pas à insulter le seul être humain auquel vous pouvez parler. Non, en fait, les résidents du niveau D étaient heureux de voir un visage, même caché derrière un masque d'ANBU. Parce que le niveau E était le niveau de l'oubli. Celui où non seulement la personne physique du criminel était bouclée, mais aussi son souvenir. C'était le seul niveau où le prisonnier disparaissait.

En poursuivant le cours de ses pensées, Kise Kekoku avait mené à bien l'opération. Il souleva Kadashman encore endormi, puis le remis à Canari.
"Voilà, fit-il. hum... Je crois que la cellule E03 est libre. "

Il soupira. Visiblement, le Kazekage avait voulu faire un exemple. On ne vole pas ma quincaillerie. Mouais. Mais dans ces cas-là, pourquoi cacher le prisonnier ? Dans le niveau E, l'incarcération est inconnue des ninjas et des civils. Mais dans ces cas-là, à qui l'exemple était donné ? Les complices du gosse ? Dans quel intérêt ?
Dans l'esprit de Kekoku, la punition avait été disproportionnée, et prise sous le coup de la colère. A moins que le Kazekage soit un peu chtarbé. Ce qui n 'est pas impossible...



Une grille grinça. Les clés cliquetèrent dans la serrure. Kadashman s'éveilla lentement et se redressa. Lentement. Il regarda autour de lui, cligna des yeux le temps que ses yeux s'habituent à la pénombre. Puis, il sourit. Visiblement, sa tactique n'avait pas marché. En fait, le ninja n'avait pas réfléchi. Il avait pensé que les intérêts du village lui tiendraient à coeur, mais visiblement non.
Bon, tant pis.

Quelque semaines plus tard, Kadashman réfléchissait. Il avait appris que Sable-man était le nouveau Kazekage. Le combien, avait dit son voisin de la cellule E02 ? Le Nidaime... Officiellement. En fait, il était le 4e... Hé ben, ça défile, les kage...
Il avait aussi appris, par le gardien, que le kazekage ne jurait que par les clans. Clan Toriyama par-ci, clan Kaeldras par-là, branche secondaire, branche principale...

En fait, le kazekage fonctionnait avec une logique de clan. Il voulait se créer un clan, et pensait que le reste du village était opposé à ce clan. Il voulait créer son petit clan à lui tout seul, envers et contre tous... Sauf que personne ne l'en empêchait.
Kadashman réfléchit: c'était ce qu'on appelait de la paranoïa...

Et surtout, c'était ne réellement pas être fin: qui est-ce qui a passé 10 ans en prison, c'était échappé et vouait une haine mortelle à celui qui l'y avait mis, déjà ?

L'Histoire nous apprend des leçons... Toujours les mêmes. Mais personne ne les retient. Sinon, il n'y aurait plus d'Histoire...